Accueillir l’anglais dans la langue française

de Estelle Dragan

Pourquoi la présence croissante de l’anglais en France devrait être considérée comme un atout au lieu d’une menace…

Quant à la place du français en France, on ne peut plus nier que le français de Molière est vivant. Dominé par une culture médiatique et scientifique anglophone, le français s’anglicise de plus en plus. Qu’il s’agisse des institutions européennes, de la recherche universitaire, ou de la communication interne et externe des grandes entreprises, il y a une sorte  de soumission linguistique du français à l’anglais. Pourtant, cela ne signifie pas nécessairement que l’anglais soit la langue de demain pour les français. Le moins que l’on puisse dire c’est que le bilinguisme devrait être considéré comme un atout au lieu d’une crise linguistique. Il semble néanmoins y avoir une stigmatisation croissante de la présence de l’anglais en France par peur que le français soit menacé d’extinction. Il suffit de reconnaitre nos capacités en tant que citoyens du monde pour se rendre compte du coté enrichissant de ce phénomène.

Pour comprendre l’inévitabilité et la normalité de ce déplacement linguistique, nous pouvons observer l’origine de cette fixation sur l’anglais. Comme l’explique Pierre Frath, linguiste et écrivain, c’est une question d’empire. A partir du 16e siècle, la France était une puissance impériale immense, possédant des colonies sur les cinq continents. Vu qu’elle était au centre du monde, c’est elle qui influençait la périphérie, et le français dominait. Ces peuples périphériques ont donc appris la langue du centre. Aujourd’hui, l’empire n’existe plus et les Français ne constituent plus qu’environ 1% de la population mondiale. Comme le reste des pays Européen, la France est passé du centre de son empire à la périphérie de celui des États-Unis. Le cycle se répète donc. Les français reproduisent ce que font habituellement les peuples périphériques et se positionnent dans le cadre central en apprenant la langue du centre. Ce phénomène n’est pas si étonnant que ça.

Considérons la formation et le professionnalisme. L’enseignement devient de plus en plus anglicisé, mais pour des raisons pratiques. De nos jours, on recense plusieurs centaines de masters en France dans lesquels on enseigne en anglais. Bien qu’il y ait une plénitude d’arguments contre l’enseignement en anglais, il faut avant tout considérer le futur professionnel des étudiants français au lieu de se préoccuper de la défense de la langue française, sinon la France et ses intérêts risquent de devenir décalés et démodés sur la scène internationale. Les scientifiques du monde entier utilisent l’anglais pour communiquer, et c’est une réalité immuable. Les étudiants en thèse dans les laboratoires doivent absolument maitriser l’écriture scientifique et l’expression orale dans cette langue. Il s’agit de préparer les étudiants qui seront en concurrence  avec d’autres scientifique du monde.

Une  obsession  pour la défense  de la langue f rançaise peut aussi pénaliser l a France économiquement. Cela pourrait bloquer les immigrants anglophones en les dissuadant de venir travailler en France. Ces immigrants, même très qualifiés, ne peuvent pas se passer de l’anglais indispensable pour accéder à des métiers dans les télécommunications, le milieu pharmaceutique, l’informatique, les services financiers et tant d’autres. Une France unilingue détournerait donc la mondialisation, et les francophones unilingues eux-mêmes seraient confrontés aux mêmes difficultés.

Pourquoi ne pas profiter des opportunités de la nouvelle génération par peur pour la culture française ? La France ne devrait plus avoir peur de la langue anglaise, mais plutôt avoir peur de passer à côté.

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